

LE CORPS PARLANT
Xe Congrès de l’ AMP,
Rio de Janeiro 2016
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Le beau, l’image du corps et le signifiant du désir
« Encore au temps de Kant, ce qui nous est présenté comme la limite des
possibilités du beau, comme l’
idéale Erscheinen
, c’est la forme du corps humain.
Elle a été, parce qu’elle ne l’est plus, forme divine. Elle est l’enveloppe de tous
les fantasmes possibles du désir humain. Les fleurs du désir sont contenues
dans ce vase dont nous essayons de fixer les parois. C’est ce qui amène à poser
la forme du corps, et très précisément l’image, telle que je l’ai articulée ici dans
la fonction du narcissisme, comme ce qui représente, dans un certain rapport,
le rapport de l’homme à sa seconde mort, le signifiant de son désir, son désir
visible. »
p. 345
La livre de chair
« Manger le livre, c’est bien là où nous touchons du doigt ce que veut dire Freud
quand il parle de la sublimation comme d’un changement non d’objet, mais
de but. La faim dont il s’agit, la faim sublimée, tombe dans l’intervalle entre
les deux, parce que ce n’est pas le livre qui nous remplit l’estomac. Quand j’ai
mangé le livre, je ne suis pas pour autant devenu livre, pas plus que le livre n’est
devenu chair. Le livre me devient si je puis dire. Mais pour que cette opération
puisse se produire, il faut bien que je paie quelque chose. (…) Ce quelque chose
s’appelle la jouissance. Cette opération mystique, je la paie avec une livre de
chair. »
p. 371
Le Séminaire
, Livre VIII,
Le transfert
(1960 - 1961). Paris, Seuil,
2001
La psychanalyse, science des érotiques du corps
« Eryximaque nous dit, traduction textuelle, que la médecine est la science des
érotiques du corps. On ne peut, me semble-t-il, donner meilleure définition de
la psychanalyse. »
p. 91
L’individualité, le corps et le sujet du désir
« L’équivoque du terme d’individualité, ce n’est pas que nous soyons quelque
chose d’unique comme ce corps qui est celui-là, et pas un autre. L’individualité
consiste toute entière dans le rapport privilégié où nous culminons comme sujet
dans le désir. »
p. 207
Se nourrir du corps de l’Autre
« Ce n’est pas seulement du pain du bon vouloir de l’Autre que le sujet primitif a
à se nourrir, mais bel et bien du corps de celui qui le nourrit. Car il faut appeler
les choses par leur nom - la relation sexuelle, c’est cela par quoi la relation à
l’Autre débouche dans une union des corps. Et l’union la plus radicale est celle
de l’absorption originelle, où pointe, visé, l’horizon du cannibalisme. »
p. 243
Le
non
de Sygne de Coûfontaine : psychosomatique et marque du signifiant
« L’homme est devenu l’Otage du Verbe parce qu’il s’est dit, ou aussi bien pour
qu’il se soit dit, que Dieu est mort. A ce moment s’ouvre cette béance, où rien
d’autre ne peut être articulé que ce qui n’est que le commencement même du
ne fus-je, qui ne saurait être qu’un refus, un non, un ne, ce tic, cette grimace,
bref, ce fléchissement du corps, cette psychosomatique, qui est le terme où nous
avons à rencontrer la marque du signifiant. »
p. 359-360
Le phallus, un blanc sur l’image du corps
« Tout objet n’est pas à définir, purement et simplement, comme un objet
partiel, loin de là, mais le caractère central de la relation du corps propre au
phallus conditionne après coup,
nachträglich
, le rapport aux objets les plus
primitifs. Leur accent d’objet séparable, possible-à-perdre, leur mise en fonction
d’objet perdu, tous ces traits ne s’étaleraient pas de la même façon s’il n’y avait
au centre l’émergence de l’objet phallique, comme un blanc sur l‘image du
corps. »
p. 449
« Subversion du sujet et dialectique du sujet » (1960),
Écrits
. Paris,
Seuil, 1966
De l’inanimé qui affecte tout corps vivant
« Reconnaissez dans la métaphore du retour à l’inanimé dont Freud affecte
tout corps vivant, cette marge au-delà de la vie que le langage assure à l’être du
fait qu’il parle, et qui est juste celle où cet être engage en position de signifiant,
non seulement ce qui s’y prête de son corps d’être échangeable, mais ce corps
lui-même. Où apparaît donc que la relation de l’objet au corps ne se définit
nullement comme d’une identification partielle qui aurait à s’y totaliser, puisque
au contraire cet objet est le prototype de la signifiance du corps comme enjeu de
l’être. »
p. 803
De l’avatar de l’image narcissique
« Quoiqu’il en soit, ce que le sujet trouve en cette image altérée de son corps,
c’est le paradigme de toutes les formes de la ressemblance qui vont porter sur
le monde des objets une teinte d’hostilité en y projetant l’avatar de l’image
narcissique, qui, de l’effet jubilatoire de sa rencontre au miroir, devient dans
l’affrontement au semblable le déversoir de la plus intime agressivité. »
p. 809
Jacques Lacan