

LE CORPS PARLANT
Xe Congrès de l’ AMP,
Rio de Janeiro 2016
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I /b. Émergence du corps parlant (1962 - 1970)
I /b.1 Le corps de l’objet a (l’organisme dont les
limites vont au-delà du corps) (1962 - 1967)
Le Séminaire
, Livre X,
L’angoisse
(1962 - 1963). Paris, Seuil, 2004
Le phallus est coupé de l’image spéculaire
« L’investissement de l’image spéculaire est un temps fondamental de la relation
imaginaire. Il est fondamental en ceci qu’il a une limite. Tout l’investissement
libidinal ne passe pas par l’image spéculaire. Il y a un reste. (…) Dans toute
la mesure où se réalise ici, en i(a), ce que j’ai appelé l’image réelle, image du
corps fonctionnant dans le matériel du sujet comme proprement imaginaire,
c’est-à-dire libidinalisée, le phallus apparaît en moins, comme un blanc. Malgré
que le phallus soit sans doute une réserve opératoire, non seulement il n’est
pas représenté au niveau de l’imaginaire, mais il est cerné, et, pour dire le mot,
coupé de l’image spéculaire. »
p. 50-51
(
-φ
)
« J’ai mis la dernière fois, et entre parenthèses, le signe (-
φ
). Il vous indique
qu’ici se profile un rapport avec la réserve libidinale, soit avec ce quelque chose
qui ne se projette pas, ne s’investit pas au niveau de l’image spéculaire, qui
y est irréductible, pour la raison qu’il reste profondément investi au niveau
du corps propre, du narcissisme primaire, de ce qu’on appelle auto-érotisme,
d’une jouissance autiste. C’est en somme un aliment qui reste là pour animer
éventuellement ce qui interviendra comme instrument dans le rapport à l’autre,
l’autre constitué à partir de l’image de mon semblable, l’autre qui profilera sa
forme et ses normes, l’image du corps dans sa fonction séductrice, sur celui
qui est le partenaire sexuel. Ce qui, vous ai-je dit la dernière fois, peut venir
se signaler à la place ici désignée par le (-
φ
), c’est l’angoisse, l’angoisse de
castration, dans son rapport à l’Autre. »
p. 57
Le reste car il vient occuper la place prévue pour le manque, devient dès lors
irrepérable
« N’est-ce pas une réponse, non seulement raisonnable, mais contrôlable, que
de dire que c’est ce reste, ce résidu non imaginé du corps, qui vient, par quelque
détour que nous savons désigner, se manifester à la place prévue pour le manque,
et d’une façon qui, pour n’être pas spéculaire, devient dès lors irrepérable ? C’est
en effet une dimension de l’angoisse que le défaut de certains repères. »
p. 74
L’image spéculaire et son double
« Si cette image spéculaire que nous avons en face de nous, qui est notre
stature, notre visage, notre paire d’yeux, laisse surgir la dimension de notre
propre regard, la valeur de l’image commence de changer — surtout s’il y a un
moment où ce regard qui apparaît dans le miroir commence à ne plus nous
regarder nous-mêmes.
Initium
, aura, aurore d’un sentiment d’étrangeté qui est
la porte ouverte sur l’angoisse. Ce passage de l’image spéculaire à ce double qui
m’échappe, voilà le point où quelque chose se passe dont l’articulation que nous
donnons à la fonction du a nous permet de montrer la généralité, la présence
dans tout le champ phénoménal. »
p. 104
L’objet a, réserve dernière irréductible de la libido
« Qu’est-ce que l’objet
a
, au niveau de ce qui subsiste comme corps, et qui nous
dérobe en partie, si je puis dire, sa propre volonté ? Cet objet a, c’est ce roc dont
parle Freud, la réserve dernière irréductible de la libido (…) »
p. 127
Ce n’est pas du monde extérieur qu’on manque, c’est de soi-même
« Avant le stade du miroir, ce qui sera i(a) est dans le désordre des petits a dont
il n’est pas encore question de les avoir ou pas. C’est le vrai sens, le sens le plus
profond à donner au terme d’auto-érotisme, on manque de soi, si je puis dire,
du tout au tout. Ce n’est pas du monde extérieur qu’on manque, comme on
l’exprime improprement, c’est de soi-même. Ici s’inscrit la possibilité de ce
fantasme du corps morcelé que certains d’entre vous ont rencontré chez les
schizophrènes. »
p. 139-140
La façon la plus certaine d’approcher ce quelque chose de perdu, c’est de le
concevoir comme un morceau de corps
« Le manque est radical, radical à la constitution même de la subjectivité telle
qu’elle nous apparaît par la voie de l’expérience analytique. J’aimerais l’énoncer
en cette formule — dès que ça se sait, que quelque chose vient au savoir, il y
a quelque chose de perdu, et la façon la plus certaine d’approcher ce quelque
chose de perdu, c’est de le concevoir comme un morceau de corps. (…) D’où il
résulte, autre vérité, que tout le tourment de notre expérience tient à ceci, que
le rapport à l’Autre, où se situe toute possibilité de symbolisation et de lieu du
discours, rejoint un vice de structure. »
p. 158-159
La circoncision : séparation et aliénation
« Je vous ai laissés sur un propos qui mettait en question la fonction de la
circoncision dans l’économie du désir, celle de l’objet au sens où l’analyse
le fonde comme objet du désir. La chute de cette leçon fut sur un passage
Jacques Lacan