

LE CORPS PARLANT
Xe Congrès de l’ AMP,
Rio de Janeiro 2016
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Edito 2nd. Temps
Le corps parlant et les affects, pour une psychanalyse du XXIe siècle
Comment l’organisme vient-il à se prendre dans la dialectique du sujet ? Comment passe-t-on
d’une psychanalyse qui vise la vérité à une psychanalyse qui vise la jouissance ? En quel sens le
corps parlant a-t-il à voir avec le corps qui jouit des philosophes matérialistes ou le corps chair
des phénoménologues ? En quel sens s’agit-il d’un corps que seul la psychanalyse peut cerner ?
Cette seconde partie de notre bibliographie sur « Le corps parlant » se compose de trois parties.
Elle propose tout d’abord un retour à Freud.
La théorie freudienne de la libido permet de saisir la première approche du corps en
psychanalyse à partir de l’inconscient. Ce retour à Freud s’articule en deux temps : d’une part
le corps, la libido et l’inconscient (rassemblant des citations et références freudiennes jusqu’à
1920), d’autre part la compulsion de répétition et la pulsion de mort.
La seconde partie est un petit détour du côté de la philosophie. L’excursus philosophique
prend appui sur les références proposées par Jacques-Alain Miller dans sa présentation du
thème de notre congrès et propose quelques entrées d’Aristote à Merleau-Ponty, en passant
par Descartes et Diderot, pour penser le corps, son union avec l’âme ou sa pure matérialité, sa
dimension de chair et son articulation avec le rapport à l’Autre.
La troisième partie est la plus conséquente. Elle constitue aussi ce qui nous a orienté dans
l’ensemble de notre travail sur Lacan. Les aphorismes de Jacques-Alain Miller constituent
donc cette ultime partie. Nous parcourons plus de vingt ans d’enseignement du cours de
Jacques-Alain Miller afin de voir comment a émergé cette nouvelle théorie de la psychanalyse
pour le XXIe siècle. Une psychanalyse qui se fonde aborde le rapport à la parole et le langage
à partir des affects. Ce sont les traces laissées sur le corps par la rencontre avec l’Autre qui
constitue le nouveau territoire de cette psychanalyse d’avenir.
Le Congrès qui se tiendra à Rio saura en dessiner les contours.
Clotilde Leguil
Edito 1ère Temps
Le corps n’a pas toujours été parlant chez Lacan. Pour autant, le corps a toujours été présent.
On peut même dire que Lacan a commencé par le corps. Le stade du miroir de 1949 est un
écrit sur le corps, parce que Lacan a d’abord considéré que l’image du corps était le premier
temps de l’assomption subjective. A la fin de son enseignement, à partir du Séminaire Encore,
c’est depuis le corps parlant que la parole et le langage en psychanalyse accède à une nouvelle
fonction. Il y a donc là une trajectoire lacanienne, que l’on peut essayer de suivre pas à pas.
C’est ce que notre petite équipe parisienne de dix personnes (équipe néanmoins internationale
réunissant français, argentins, brésiliens, russes, italiens) a fait. Je les remercie, chacune et
chacun, pour leur investissement dans cette collaboration qui fût l’occasion de commencer
d’explorer ensemble ce thème de « L’inconscient et le corps parlant au XXIe siècle » proposé
par Jacques-Alain Miller après « Un réel pour le XXIe siècle ».
Cette bibliographie sur les citations de Jacques Lacan autour du corps parlant s’articule autour
de trois temps logiques, permettant de repérer les moments de bascule, à partir desquels Lacan
rectifie et réinvente le statut du corps en psychanalyse. Grâce à l’enseignement de Jacques-
Alain Miller dans son cours de 2011 sur « L’Être et l’Un » notamment, il est possible de repérer
ces temps logiques. Au sein de ces différents temps logiques, nous avons extrait des aphorismes
qui peuvent rester en tête comme une énigme sur laquelle on revient sans cesse, des concepts
qui peuvent servir de boussole, et des petits extraits au sein desquels ces aphorismes sont
déployés.
Le premier serait
« La préhistoire du corps parlant »
. Avant d’être parlant, le corps lacanien
des années cinquante a été silencieux. Ce fut le corps comme point d’appui de la formation
du moi, le corps du narcissisme, puis le corps comme articulé au symbolique dans le fantasme.
Le corps présent dans le fantasme se manifeste à travers l’inertie qu’il impose au symbolique.
Le second serait celui de
« L’émergence du corps parlant »
. Le corps lacanien des années
soixante commence à parler une langue autre que celle du signifiant à travers l’objet a. Ce
corps est un organisme qui déconstruit l’image du corps. Il se présentifie à travers l’angoisse
mais aussi à travers la jouissance discursive.
Enfin, le dernier corps s’aborde comme un nouveau continent noir. C’est
« Le mystère du
corps parlant »
. Le continent noir de Freud fut la féminité. Le continent noir lacanien serait
celui du corps parlant. Ce corps-là se présentifie de façon opaque à travers la lettre comme
inscription de jouissance. Chambre d’écho du dire, le corps infléchit alors le rapport du
parlêtre au signifiant. C’est un corps qui s’envisage à partir de l’incidence de la langue sur la
chair.
Bonne lecture ! A suivre
Clotilde Leguil