

LE CORPS PARLANT
Xe Congrès de l’ AMP,
Rio de Janeiro 2016
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La conjonction de l’Un et du corps
Leçon du 18 mai 2011
« Il n’y a pas de deux, il n’y a que le un qui se
répète dans l’itération et j’ajouterai encore une troisième formule: il y a le corps.
(…) Et à ce niveau il reste à penser les deux, qui ne sont pas les deux sexes, qui
sont le un et le corps et c’est à ce niveau là que le corps apparaît comme l’Autre
du signifiant et c’est ce que Lacan laissait entendre déjà quand il disait : l’Autre
(avec un grand A), c’est le corps. (…) l’Autre du signifiant, c’est l’Autre du corps
et de sa jouissance. Disons voilà une fois le discours nettoyé au niveau du réel,
une fois nettoyé du rapport sexuel, ce qui se dénude, c’est la conjonction de l’Un
et du corps. »
Le terme de « parlêtre » inclut le corps
Leçon du 25 mai 2011
« Et l’énorme, c’est que Lacan pouvait
déjà dire dans
Télévision
– je le cite – c’est le réel qui permet de dénouer le
symptôme. Je me demande comment on est passé si vite là-dessus parce que
c’est énorme, l’idée qu’on puisse opérer avec le réel, que le réel puisse être un
moyen de l’opération analytique. Et donc cette même bascule se constate, cette
même bascule qui est là marquée par l’implication décidée de la pulsion dans
le symptôme se constate aussi quand Lacan disons efface progressivement le
terme de sujet qui appartenait par excellence à l’ordre signifiant, et le remplace,
voudrait le remplacer par le terme de parlêtre (…) incluant le corps et c’est
cohérent avec la notion du jouis- sens, que il n’y a pas de sens qui aille sans
jouissance et donc il n’y a pas de signifiant, il n’y a pas de désir qui ne soit
connecté à la pulsion, etc., et la racine de l’Autre c’est le Un. »
Le parlêtre « n’a qu’un corps »
Leçon du 25 mai 2011
« Vous voyez à travers – là je parcours
plusieurs années du dernier enseignement de Lacan, mais c’est comme une
nébuleuse et nous trouvons là les indices qui nous permettent de voir dans
quelle direction pointe sa dernière perspective. Alors le parlêtre c’est celui qui
de parler, en quelque sorte superpose un être au corps qu’il a, il superpose un
être à l’avoir et son avoir essentiel c’est le corps. Le parlêtre c’est aussi le « n’a
qu’un corps » ; si je puis dire. Alors dans tout ça ; il y a une dévalorisation
du signifiant, de la valeur de vérité et l‘idée qui modère l’idée de la puissance
signifiante. »
La castration : ce qui fait cesser les embrouilles du sens
Leçon du 25 mai 2011
« (…) c’est avec le signifiant qui commencent
les embrouilles, les embrouilles du vrai, les embrouilles du désir, les embrouilles
de l’interdit, les embrouilles de l’Œdipe , parce qu’à la racine, le signifiant vient
percuter le réel, il vient percuter les corps. Et chez le parlêtre, ce choc initial, ce
traumatisme introduit une faille qui est aussi bien le phallus, qui est aussi bien
la faute, le péché ou, dit Lacan - en prenant la première syllabe de sinthome,
sin - en anglais le
sinn
, le péché. Et la faille, cette faille initiale tend à s’agrandir
toujours, sauf, dit-il, à subir le cesse de la castration. Et donc ce qu’il appelle ici
castration, c’est ce qui ferait cesser le sinthome, c’est ce qui ferait que ça puisse
s’écrire dans un discours ce qui ne sera pas du semblant mais qui serait du réel.
C’est le nouveau sens de la castration : ce qui fait cesser les embrouilles du
sens. »
Le réel du sinthome, pure percussion du corps par le signifiant
Leçon du 25 mai 2011
« L’hérésie, ça n’est pas de quitter le champ
du langage, c’est d’y demeurer, mais en se réglant sur sa partie matérielle, c’est-
à-dire sur la lettre au lieu de l’être. Il est arrivé à Lacan de jouer au contraire
sur les affinités de la lettre et de l’être, sur les assonances ; dans son article qui
s’appelle ‘’L’instance de la lettre’’, il en joue. Mais c’est tout au contraire, dans la
période de sa réflexion que j’évoque, il passe par le mot lituraterre – littérature
transformé comme je l’ai dit, pour faire valoir la lettre comme litura, comme
déchet et donc pour l’arracher à ses affinités avec l’être. Le réel du sinthome
que Lacan nous propose dans cette phrase d’atteindre, disons que c’est la pure
percussion du corps par le signifiant, par la parole. C’est ainsi d’ailleurs que
Lacan définit à cette occasion les pulsions comme l’écho dans le corps qu’il y a
un dire. »
Au cœur du nœud borroméen, il y a à placer un prélèvement corporel
Leçon du 25 mai 2011
« L’analyse orthodoxe essaye de répondre à
l’énigme sexuelle par un effet de vérité, par un : que la lumière soit, par une
élucidation, alors qu’il s’agit, au contraire, d’atteindre ce que la jouissance
comporte d’opacité irréductible et c’est là ce que vise l’hérésie lacanienne. On
a pu croire que l’Autre, c’était l’Autre de la parole, l’Autre du désir et Lacan a
construit son graphe sur cet Autre, et il a même pu situer à côté des formations
de l’inconscient le fantasme de la traverser. Évidement, on opère dans un tout
autre cadre quand on admet que l’Autre, c’est le corps, qui n’est pas ordonné au
désir mais qu’il est ordonné à sa propre jouissance. Que ce réel, Lacan a voulu
lui donner la forme borroméenne, on peut en prendre acte, il n’empêche que au
cœur, là ou se coincent les cercles, le ronds borroméens, il y a toujours à placer
un prélèvement corporel. »
Jacques-Alain Miller