

LE CORPS PARLANT
Xe Congrès de l’ AMP,
Rio de Janeiro 2016
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corps, n’est pas d’avant le signifiant, n’est pas une réalité d’avant le signifiant.
D’ailleurs, c’est en quoi le parlêtre n’est pas son corps. Son corps, il l’a. Il l’a
comme on a un bien, une propriété, un objet, un objet que l’on traite bien
ou mal, que l’on dédaigne, que l’on délaisse, ou que l’on bichonne. Ce corps,
les soins qu’on lui apporte ou qu’on ne lui apporte pas, dénotent la valeur
inconsciente qu’on lui attribue. »
Pour faire jouissance, le corps et le langage se conjoignent dans le sinthome
Leçon du 3 juin 2009
« Comment se conjoignent le corps et le
langage pour faire jouissance, pour faire jouir ? Je peux donner une réponse qui
n’en est pas une parce qu’elle s’appuie sur un concept de Lacan qui a sa propre
complexité, mais enfin dont vous avez un certain usage, ne serait-ce que par
les cours que j’y ai consacrés : pour faire jouissance, le corps et le langage se
conjoignent dans le sinthome. Le sinthome emporte le corps, mais le sinthome
est articulation. Et justement on dit sinthome, parce qu’il n’y a pas d’abord
direct de la jouissance, que cette jouissance brute, imaginaire, est toujours
réfractée par le sinthome. »
Le sinthome vient du symptôme freudien en tant que substitution
Leçon du 3 juin 2009
« Ce n’est pas pour rien que, pour qualifier
la pointe du rapport à la jouissance, Lacan a choisi ce mot de sinthome, qui
est une modification, justifiée par l’étymologie, du mot de symptôme : le mot
de symptôme est un mot du vocabulaire de Freud, qui veut dire beaucoup
de choses, mais j’isole ceci dans les sens de ce mot, c’est que, chez Freud, le
symptôme est une substitution.
Je dis que, dans l’écho du mot lacanien de sinthome, persiste cette valeur de la
substitution. »
Rien ne subsiste, pour le parlêtre, qui n’ait son coefficient de jouissance
Leçon du 3 juin 2009
« La jouissance est partout dans le signifiant
: il y a une jouissance de la parole, la jouissance de la parole fait partie de la
métonymie des jouissances substitutives ; il y a une jouissance du savoir ; il y a
une jouissance de l’interdit. Il n’est rien de ce qui entre dans la sphère de l’intérêt
du parlêtre où l’on ne puisse repérer une jouissance. Paraphrasant Leibniz on
pourrait dire :
Rien n’est sans jouissance
. D’où ce qu’a de ridicule l’idée que la
psychanalyse, ça consiste à abandonner de la jouissance, ça serait de faire venir
de la négativation à la jouissance. Tout ce qu’on peut dire c’est qu’on peut
déplacer la jouissance. Elle peut se répartir autrement, elle peut se métonymiser
autrement, mais elle ne peut pas se négativer – au moins dans l’emploi que j’en
propose ici.
Il y a aussi une jouissance de pensée, comme il y a une jouissance du corps. La
névrose obsessionnelle par exemple nous manifeste l’existence et l’insistance de
la jouissance propre de la pensée.
Ainsi, la jouissance peut être traquée dans toutes les manifestations de l’intérêt,
et on peut même dire que rien ne subsiste, pour le parlêtre, qui n’ait son
coefficient de jouissance. »
« L’Être et l’Un » (2010-11). Inédit, l’orientation lacanienne
Le corps a un statut que n’épuise pas l’imaginaire
Leçon du 26 janvier 2011
« Et évidemment, il y a dans
l’enseignement de Lacan la redécouverte que le corps a un statut que n’épuise
pas l’imaginaire, que n’épuise pas la forme, que n’épuise pas la vision du corps. »
Le phallus donne corps à la jouissance dans la dialectique analytique
Leçon du 9 février 2011
« Dans les Écrits
p. 822
, il dit : «
Le phallus donne corps à la jouissance. » La jouissance, quand même, n’a pas
attendu le phallus pour avoir un corps ; c’est même… la jouissance comme
telle est impensable sans un corps, qui jouit. Donc, le phallus donne corps à la
jouissance, dans la dialectique analytique ; ça, c’est autre chose, c’est relatif au
discours analytique. En fait, ce qui apparaît à ce moment de l’élaboration de
Lacan, ce n’est pas que le phallus donne corps à la jouissance, c’est qu’il donne
signification à la jouissance et qu’il lui donne une signification très précise, qui
est une signification de transgression, corrélative de l’interdiction. »
Penser la jouissance au-delà de l’interdiction
Leçon du 9 février 2011
« Dans la problématique précédente,
on peut dire que le désir est créé par l’interdit, c’est-à- dire qu’il a une origine
œdipienne, et que la jouissance en dépend parce qu’elle tient à la transgression
de l’interdit. Eh bien, précisément c’est au- delà que Lacan a pu penser la
jouissance, penser la jouissance au - delà de l’interdiction, penser la jouissance
positivée comme celle d’un corps qui se jouit, et la différence est sensible :
la jouissance ne tient pas à une interdiction, la jouissance est un événement
de corps. La valeur d’événement de corps est de s’opposer précisément à
l’interdiction, elle n’est pas articulée à la loi du désir, la jouissance, elle est de
l’ordre du traumatisme, du choc, de la contingence, du pur hasard, ça s’oppose
terme à terme à la loi du désir, et elle n’est pas prise dans une dialectique mais
elle est l’objet d’une fixation. »
Jacques-Alain Miller