

LE CORPS PARLANT
Xe Congrès de l’ AMP,
Rio de Janeiro 2016
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Jouissance du corps et jouissance féminine
Leçon du 9 février 2011
« Et c’est précisément parce que Lacan a pu
passer au-delà de la problématique de l’interdiction qu’il a pu dégager comme
telle la jouissance féminine, c’est-à-dire ne plus la centrer sur le
Penisneid
,
qui était par excellence une fonction négative. Et ce que Lacan appelle cette
jouissance spéciale qui est réservée à la femme, c’est précisément la part qui
existe sans subir l’interdiction, qui n’est pas prise dans le système interdiction-
récupération et son
Aufhebung
- parce qu’on sait où ça mène, en général, du côté
de la sexualité féminine. »
La pratique analytique doit se centrer sur la jouissance comme évènement
de corps
Leçon du 2 mars 2011
« Et c’est aussi dans son dernier
enseignement, dont je dis qu’il est prophétique pour nous, qu’il invite la
pratique analytique à se centrer sur la jouissance comme événement de corps,
c’est-à-dire comme échappant à la dialectique de l’interdiction-permission. »
La « substance jouissante » vise le corps au niveau de l’existence
Leçon du 23 mars 2011
« On a glosé, moi le premier, sur la
substance jouissante que Lacan amène dans son Séminaire Encore, mais
cette substance jouissante est strictement corrélative de la notion, je dirais
approximative, de la substance signifiante. Substance jouissante, qui est d’un
tout autre registre, puisqu’elle assignée au corps, mais à condition, dit Lacan,
qu’elle se définisse seulement de ce qui se jouit. Ça veut dire que le corps dont
il s’agit ici ne se définit pas par l’image, comme le corps du Stade du miroir, il
ne se définit pas par la forme, et il ne se définit pas même par le Un, Un-corps.
Il ne se définit pas même comme ce qui jouit, mais ce qui se jouit. Donnons-lui
d’abord la valeur qu’implique ici sa connexion à la substance: un corps qui jouit
de lui- même. Ce n’est pas le corps de ce qui serait le rapport sexuel. Le corps
qui est là visé est un corps au niveau de l’existence. »
Jouissance du corps et jouissance du blalabla
Leçon du 23 mars 2011
« Chez Lacan, on voit se mouvoir deux
substances extérieures l’une à l’autre : la signifiante et la jouissante, qui comme
répercutent la différence freudienne de l’inconscient et du ça. Sauf que, quand
il les pose, Lacan implique aussitôt une satisfaction au niveau de l’inconscient.
Et après avoir lié apparemment la substance et le corps d’une façon indissoluble,
il amène contradictoirement une satisfaction qui se supporte du langage : la
jouissance du blablabla. On peut dire qu’ici le langage est à saisir au niveau de
ce qui s’imprime sur le corps, avec effet de jouissance: le Un s’imprime sur le
corps. »
La jouissance répétitive, auto-jouissance du corps par le biais du S1
Leçon du 23 mars 2011
« La jouissance répétitive, la jouissance
qu’on dit de l’addiction - et précisément, ce que Lacan appelle le sinthome est
au niveau de l’addiction -, cette jouissance répétitive n’a de rapport qu’avec le
signifiant Un, avec le S1. Ça veut dire qu’elle n’a pas de rapport avec le S2, qui
représente le savoir. Cette jouissance répétitive est hors-savoir, elle n’est qu’auto-
jouissance du corps par le biais du S1 sans S2. Et ce qui fait fonction de S2 en la
matière, ce qui fait fonction d’Autre de ce S1, c’est le corps lui-même. »
Jouissance du corps et auto-érotisme
Leçon du 30 mars 2011
« On découvre un au-delà de la sémantique
des symptômes, c’est-à-dire une pure réitération dans le réel de l’Un de
jouissance. C’est bien pourquoi on ne peut pas alors se contenter de parler de
sujet, de dire que l’expérience analytique est au niveau du sujet de la parole.
On est obligé de mettre le corps dans le coup, c’est pourquoi Lacan parle
alors de parlêtre, c’est- à-dire d’un être qui ne tient son être que de la parole,
c’est un être évidemment fragile, contestable et dont rien ne dit a priori qu’il
ait un répondant de réel. Et le corps dont il s’agit, remarquez bien que Lacan
l’introduit non pas comme un corps qui jouit – le corps qui jouit, c’est pour
le porno, là, nous sommes dans le freudo –, il s’agit du corps en tant qu’il s e
jouit. C’est la traduction lacanienne de ce que Freud appelle l’autoérotisme. Et
le dit de Lacan Il n’y a pas de rapport sexuel ne fait que répercuter ce primat de
l’autoérotisme. »
Le corps est essentiellement marqué par le symptôme
Leçon du 11 mai 2011
« Ce corps est essentiellement marqué par
le symptôme, et c’est en cela que le symptôme peut être défini comme un
événement de corps. Ça suppose que ce corps est marqué par le signifiant –
par le signifiant, c’est-à-dire quoi ? –, par la parole en tant qu’elle s’est inscrite,
et qu’elle peut donc être représentée par une lettre ; et c’est cette inscription
qui mérite d’être qualifiée de l’inconscient freudien. Et tout ceci précisément
procède, je vous le fais remarquer, de la jaculation Yad’lun. Yad’lun veut dire
: il y a du symptôme; au-delà du désêtre, il reste l’événement de corps. Et
Yad’lun, c’est une formulation qui constitue le premier pas d’Il n’y a pas de
rapport sexuel. Il n’y a pas de rapport sexuel, au fond, c’est la conséquence de la
primauté de l’Un en tant qu’il marque el corps d’un événement de jouissance. »
Jacques-Alain Miller