

LE CORPS PARLANT
Xe Congrès de l’ AMP,
Rio de Janeiro 2016
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dire – premièrement, que le corps refuse d’obéir à l’âme, au savoir naturel, refuse
de servir la finalité de son autoconservation – deuxièmement, que le sujet de ce
corps-là refuse le corps de l’Autre. »
Des traces qui dérangent le corps
« Peut-être faut-il épiloguer, varier, préciser cette définition de l’événement
de corps. Cette expression est une condensation. Il s’agit en fait toujours
d’événements de discours qui ont laissé des traces dans le corps. Et ces traces
dérangent le corps. Elles y font symptôme, mais seulement pour autant que le
sujet en question soit apte à lire ces traces, à les déchiffrer. Cela a finalement
tendance à se ramener à ce que le sujet puisse penser retrouver les événements
dont ces symptômes se tracent. »
p. 44-45
L’affection traçante de la langue sur le corps
« La définition générale de l’événement produisant traces d’affect, c’est ce que
Freud appelle le trauma. C’est le traumatisme en tant qu’il est un facteur devant
lequel les efforts du principe de plaisir échouent, un facteur qui ne peut pas être
liquidé selon la norme du principe de plaisir, c’est-à-dire qui met en échec la
régulation du principe de plaisir. L’événement fondateur de la trace d’affect est
un événement qui entretient un déséquilibre permanent, qui entretient dans le
corps, dans la psyché, un excès d’excitation qui ne se laisse pas résorber. Nous
avons là la définition générale de l’événement traumatique, celui qui laissera des
traces dans la vie subséquente du parlêtre. Le traumatisme au sens de Lacan, le
noyau de l’événement traumatique n’est pas rapportable à un accident, ou ça
l’est toujours, mais la possibilité même de l’accident qui laisse des traces d’affect
au sens étendu que j’ai donné, la possibilité même de l’accident contingent
qui se produit nécessairement toujours, mais tel ou tel, ouvre l’incidence de la
langue sur l’être parlant, et précisément l’incidence de la langue sur son corps.
L’affection essentielle, c’est l’affection traçante de la langue sur le corps. Cela
veut dire que ce n’est pas la séduction, ce n’est pas la menace de castration, ce
n’est pas la perte d’amour, ce n’est pas l’observation du coït parental, ce n’est pas
l’Œdipe qui est là le principe de l’événement fondamental, traceur d’affect, mais
c’est la relation à la langue. »
p. 47
Corporisation, envers de la signifiantisation
« La seconde structure, que l’on pourrait appeler la corporisation, est en quelque
sorte l’envers de la signifiantisation. C’est bien plutôt le signifiant entrant dans
le corps. C’est une structure tout à fait différente de la première. La première
est élévation, sublimation de la chose vers le signifiant. Or, la corporisation est
au contraire le signifiant saisi comme affectant le corps de l’être parlant, et le
signifiant devenant corps, morcelant la jouissance du corps et en faisant saillir le
plus-de-jouir, découpant le corps, mais jusqu’à en faire sourdre la jouissance, le
plus-de-jouir qui y est virtuel. »
p. 57
L’affect, ce qui dérange les fonctions du corps vivant
« Le savoir dans le corps, son effet propre, c’est ce que Lacan appelle affect, en
un sens sans doute étendu, généralisé. Il appelle affect, à partir du Séminaire XX,
l’effet corporel du signifiant, c’est-à-dire non pas son effet sémantique, qui est le
signifié, non pas son effet de sujet supposé, c’est-à-dire non pas tous les effets de
vérité du signifiant, mais ses effets de jouissance. C’est ce qu’il rassemble sous le
terme d’affect, comme tel dérangeant les fonctions du corps vivant. »
p. 58
L’orientation lacanienne III, 3 « Le lieu et le lien » (2000-2001)
Inédit, La Cause freudienne N°50, 2002
D’avoir un corps, on a un monde
Leçon du 6 décembre 2000
« Le monde tourne, le monde tourne
autour de vous, c’est ce qu’il y a de plus naturel, et pour que le monde tourne
autour de vous il n’est pas besoin d’être mégalomane, il suffit d’avoir un corps,
d’avoir un corps on a un monde. (…) Il y a lien, corrélation, du corps et du
monde, et c’est ce lien qui constitue comme tel l’imaginaire. »
Le corps a un lien à la part excédante de jouissance
Leçon du 6 décembre 2000
« Le corps a bien un lien au réel
parce que ce lien se trouve dans l’instance de la jouissance. Et précisément, on
distingue deux jouissances, deux parts, la part homéostatique, qu’on appelle en
français plaisir, et la part excédante, qui fait que le corps garde un lien, a un lien
avec une partie hors, une partie excédante. »
Le corps vivant qui parle
Leçon du 28 mars 2001
« Dans le dernier enseignement de Lacan
– au moins c’est là que ça devient manifeste –, le symbolique est confronté
au vivant, au corps vivant. Ce n’est pas anodin ces expressions, le vivant qui
parle. Ça ramène, ça centre le point d’application du symbolique sur le corps
vivant où le symbolique apporte des discordances. Ce qui devient la référence,
si je puis dire, c’est le vivant, le
bios
, la vie, alors que le point de départ de
son enseignement c’est bien plutôt le social. (…) le corps individuel, devient
référence à la place du corps social. »
Disjonction entre le corps imaginaire et le vivant réel dans le nœud
borroméen
Jacques-Alain Miller